2022 - Reconnecter cultures et élevages : chimères ou réalité?, conférence à deux voix de Guillaume MARTIN et Clémentine MEUNIER (GAB 65)
Cette vidéo reprend un des témoignages du colloque de l’ABC intitulé » L’avenir de l’agriculture est-il dans la polyculture-élevage? » organisé par les Bios du Gers en 2022.
Guillaume MARTIN est directeur de recherche à INRAE, au sein de l’UMR AGIR (Agroécologie, Innovation, Territoires). Il mène des recherches en agronomie systémique au service de la transition agroécologique des exploitations d’élevage herbager et de polyculture élevage. Il est également depuis peu installé en polycultures dans le Gers et compte parmi les adhérents des Bios du Gers.
Clémentine Meunier réalise sa thèse sur la réintroduction de l’élevage dans les fermes et territoires de cultures dans le Gers et l’Ile de France. Sa thèse est financée par l’INRAe et la Région Occitanie et elle est encadrée par Guillaume Martin et Julie Ryschawy. Au cours de sa première année de doctorat, Clémentine a enquêté une vingtaine d’agriculteurs gersois et franciliens afin d’analyser leurs motivations à réintroduire de l’élevage dans leur système et identifier leurs trajectoires.
Au programme :
- Spécialisation contre polyculture élevage ?
L’intensification de l’agriculture et la spécialisation des fermes et des territoires ont généré de lourds impacts environnementaux. Les systèmes intégrant cultures et élevage figurent parmi les réponses à apporter. Après un fort déclin au cours des dernières décennies, ils sont aujourd’hui marginaux en France et en Europe. Pourtant, des agriculteurs voguent à contre-courant et réintègrent de l’élevage dans les fermes et territoires de cultures. Cette reconnexion peut prendre différentes formes, principalement l’introduction d’un nouvel atelier sur la ferme, la mise en place de coordinations locales entre céréalier(s) et éleveur(s), ou l’installation de bergers itinérants valorisant surfaces agricoles et communales.
- Réintégrer l’élevage : pourquoi faire ?
Les motivations qui amènent ces agriculteurs à réintégrer de l’élevage sont nombreuses : fourniture de services écosystémiques (fertilité des sols, gestion de l’enherbement, etc.) ; limitation des pollutions (recyclage des éléments minéraux, substitution broyage-pâturage, etc.) ; inscription dans un modèle agricole qui a du sens (agroécologie, autonomie, etc.) et qui répond à des aspirations personnelles (transmission, lien à l’animal, etc.) ; renforcement de l’ancrage territorial (solidarité et dynamiques collectives, rapport au consommateur, etc.) ; entretien du paysage ; amélioration et stabilisation du revenu ; traçabilité accrue de la production. Nombre de ces motivations font écho aux bénéfices avérés de l’intégration culture-élevage rapportés dans la littérature scientifique.
- Comment faire ?
Réintégrer de l’élevage c’est plus que réintégrer des animaux, c’est aussi réintégrer la prairie et les légumineuses pérennes, produire et gérer du fumier et restaurer de la circularité à l’échelle de la ferme. Différents modèles existent : des partenariats avec des éleveurs, des bergers ou en achetant un troupeau soit même. Un premier exemple : un agriculteur qui possède 500 ha avec hauts de coteaux peu productifs, surtout intégré dans des circuits longs, et producteur d’électricité avec des panneaux photovoltaïques. Il décide de convertir ses hauts de coteaux en bio pour toucher les primes PAC et les sème en luzerne. Il ne souhaitait pas particulièrement avec des animaux sur la ferme, il décide donc de mettre à disposition ses terres pour un éleveur. Un deuxième exemple : un viticulteur qui commence à chercher des bergers pour gérer l’enherbement inter-rang lors de son passage en bio. En 2021, il rencontre une bergère itinérante qui vient pâturer dans les vignes. Séduit par le système, il décide d’intégrer un troupeau ovin permanent d’une cinquantaine de tête qu’il valorise en vente directe.
- Qu’en attendre ?
Pâturage des couverts: Plus de N disponible et moins de limaces !
Pas un effet forcément sur le tassement du sol !
Part de carbone lignifiée pas forcément perdue.
Le déprimage des céréales est positif si bien effectué (tallage car après rendements impactés) car améliore également le côté sanitaire.
Performance économique se rapproche voire s’améliore pour la polyculture-élevage (à voir avec le coût de l’énergie… avec le paiement pour service environnemental cela pourrait inverser la tendance économique !!
- Quelles difficultés anticiper ?
Malgré tous ces avantages, réintégrer de l’élevage s’avère compliqué en territoires de cultures. L’ultra-spécialisation des filières de production et du secteur para-agricole (conseil, enseignement, recherche en particulier) impose aux agriculteurs de se créer un nouveau réseau parfois hors de leurs territoires et de trouver ou créer des débouchés. Le manque d’aides PAC spécifiques, la difficulté à trouver de la main d’œuvre polyvalente qualifiée, le marché agricole globalisé encourageant l’agrandissement et les économies d’échelles davantage que la mixité de production, et la complexité logistique et organisationnelle liée à la gestion des éventuels partenariats entre céréaliers et éleveurs représentent des obstacles supplémentaires à franchir.